Le Père Noël : L’importance de la fonction imaginative
Il y a peu de documents qui viennent guider et appuyer les parents dans leurs réponses et pourtant, ce sujet fait partie intégrante de notre société.
Nathalie Parent propose quelques grandes lignes pour alimenter votre réflexion et vous appuyer dans vos choix de réponses auprès de votre enfant (ou de vos enfants).
Magie ou mensonge ?
Tout d’abord, faire croire au Père Noël c’est beaucoup plus qu’un « doux mensonge ». C’est encourager l’enfant à croire à un mythe, à participer à un rituel social, à une vérité qui fait partie de notre société. Personnellement, je trouve que toute la « magie » qui entoure cette fête et le Père Noël est une belle histoire.
La fonction de l’imaginaire et ses effets bénéfiques
Le Père Noël, ses lutins, les rennes et tout ce qui entoure l’histoire de Noël, font partie de la fantaisie et nourrissent l’imaginaire des enfants. Jusqu’à l’âge de 7-8 ans, l’enfant est dans la pensée magique, imagine plein de scénarios et s’invente des histoires. Après, il développe la pensée concrète qui lui permet de rassembler des faits pour obtenir une conclusion logique. C’est lorsque l’enfant atteint cet âge qu’il pose beaucoup de questions à ses parents ; ceux-ci se trouvent souvent déconcertés et ne savent plus quoi répondre.
Avant, il est facile d’inventer des histoires et des explications car l’enfant y croit ; on le voit bien à travers ses jeux de dragons, de princesses, de policiers, de voitures accidentées, d’hôpital, de sorcières, de loups, etc.
Il est important pour le développement de l’enfant, pour son adaptation à la vie et aux difficultés qu’elle renferme, de stimuler son imaginaire. Comme le mentionne Monique Brillon, dans son livre La pensée qui soigne : « Toute personne adulte apte à faire un travail d’élaboration mentale conduisant à une prise de conscience est aussi capable de se servir de son imaginaire pour trouver des solutions nouvelles aux difficultés auxquelles elle est confrontée ».
C’est également durant cette période de pensée magique que se construit une base, plus ou moins solide, à l’intérieur de l’enfant. Le Père Noël est un personnage bon et souriant et il fait ainsi partie des représentations positives de l’enfant. En ce sens, on pourrait dire que de permettre à l’enfant de croire au Père Noël (ou autre personnage mythique du genre), en la magie, c’est lui donner espoir en la vie, le sécuriser, le rassurer devant les obstacles, lui donner accès à quelque chose de bon pour lui.
Puisque le Père Noël représente une figure paternelle et renferme une certaine magie, il peu refléter l’image d’un bon père qui pense à l’enfant en lui apportant un cadeau, en l’écoutant lui raconter ce qu’il désire ou simplement en l’écoutant chanter une chanson. Si l’on désire véhiculer cette image de bonté et de générosité, va-t-on dire à l’enfant : « Sois sage si tu veux que le Père Noël t’apporte des cadeaux ! » ? Cette phrase a bien peu d’impact à mon avis car les enfants ont vite retenu qu’ils auront tout de même des cadeaux. Cette phrase peut aussi être délicate pour d’autres enfants oubliés par cette fête, qui peuvent se demander ce qu’ils ont fait de mal pour que ce soit ainsi.
Transmission des valeurs, des traditions : Impacts à long terme
L’approche de Noël est justement un bon moment pour les parents de transmettre leurs valeurs aux enfants, de perpétuer des traditions ou d’en créer de nouvelles. Dans cette transmission des valeurs et des traditions, on retrouve plusieurs bienfaits. En voici quelques-uns :
.Intégrer le partage et la générosité : On donne à ceux qu’on aime, on reçoit du Père Noël et de ceux qui pensent à nous, pas seulement en cadeau ou en argent mais en temps (faire des activités ensemble, faire un souper ensemble) et en paroles (de bons souhaits sur les cartes, des mots qui se disent moins souvent). On laisse au Père Noël des biscuits et du lait ou on souhaite nous aussi lui donner un cadeau.
.Participer au développement de la conscience sociale : On donne à des milieux moins favorisés, on réalise que Noël ne se fête pas partout de la même façon et que certaines personnes font de l’entraide dans des organismes communautaires, etc.
.Développer le sentiment d’appartenance : Que ce soit à une société (dans les centres commerciaux, tout le monde se prépare à la même fête), à un groupe (ceux qui croient versus ceux qui ne croient pas), à une famille (traditions différentes selon chacune, cueillette du sapin de Noël naturel, préparation de nourriture traditionnelle, réalisation de cartes de souhaits, etc.)
.Retrouver le plaisir d’être ensemble : Penser aussi à ceux qui n’y sont plus (y compris les animaux !).
.Préparer son coeur au plaisir : De la fête et des congés.
.Stimuler la montée du désir : C’est le moment de faire des vœux, d’exprimer des demandes, même les plus farfelues, et de désirer très fort...
.Favoriser la patience par l’attente et l’anticipation : On en parle longtemps d’avance de cette grande fête. En effet, le Père Noël s’installe dans les magasins à partir du mois de novembre puis on fait le décompte des 24 jours de préparation avec un calendrier de l’Avent. Dans notre société où on peut obtenir beaucoup de choses rapidement, vivre cette attente positivement aide l’enfant à vivre d’autres attentes plus difficiles que la vie peut apporter.
« NON ! Je ne veux pas y aller ! »
Il est fréquent de rencontrer des enfants qui ont peur du Père Noël et on peut le comprendre en prenant du recul et en regardant les réactions souvent pressantes et empreintes d’émotions fortes autour de ce personnage.
À ce moment, je recommande de ne pas insister pour que l’enfant s’approche du Père Noël, mais de l’accompagner s’il le désire. Sinon, on reste distant avec l’enfant et on le laisse observer les autres enfants qui s’approchent du personnage pour lui permettre d’apprivoiser cet inconnu. L’enfant choisira quand il sera prêt à l’approcher.
Si on insiste trop, on risque de provoquer plus de résistance de sa part et lui laisser de mauvais souvenirs reliés à ce mythe. On peut également rassurer l’enfant en lui disant que le Père Noël qu’on voit est quelqu’un de déguisé, un peu comme à l’Halloween, et on peut jouer avec l’enfant à se déguiser comme lui (chapeau, costume, barbe...).
Les questions de l’enfant et la réaction des parents
Pour ce qui est des questions entourant ce mythe, elles tourneront d’abord autour de faits concrets : « Comment le Père Noël peut entrer chez nous puisque nous n’avons pas de cheminée ? Comment passe-t-il dans la cheminée avec son gros ventre ? » J’aime bien répondre à l’enfant en lui retournant d’abord la question pour susciter son imaginaire et ses fantasmes autour du sujet : « Je ne sais pas. Toi, qu’en penses-tu ? » Vous aurez alors droit à de belles réponses imaginées par l’enfant. Si celui-ci ne donne pas de réponse et que l’adulte ne sait que dire, il peut toujours s’appuyer sur la magie de Noël pour répondre, surtout quand l’enfant est dans ce mode de pensée (avant 7-8 ans) : « Ça doit être la magie ! » ou « Il est magique n’est-ce pas ? ». Laissez-vous entrer dans leur imaginaire, ça peut tellement être plaisant et vous faire retrouver votre cœur d’enfant !
Plus l’enfant grandit, plus les questions sont élaborées : « Comment fait-il pour distribuer tous les cadeaux aux enfants dans toutes les maisons ? », « Comment peut-il fabriquer tous les jouets ? », « Pourquoi papa n’est jamais présent quand le Père Noël arrive ? » L’enfant cherchera alors à trouver les réponses à ses questions, il aura des doutes mais il voudra continuer d’y croire encore.
Puis, les questions vont se multiplier et pourront devenir insistantes. Le processus se fera naturellement car, petit à petit, l’enfant entendra des choses qui vont ébranler ses croyances, mais il gardera ce qu’il sera prêt à prendre et à digérer. Par contre, si les questions deviennent trop insistantes et que le jeu de la magie n’est plus drôle, par exemple : « Maman, papa, dites-moi la vérité ! Je sais que le père Noël n’existe pas pour vrai à cause de... », à ce moment, ça ne sert à rien de continuer à faire semblant puisque l’enfant ne veut plus jouer. Il vaut mieux garder le lien de confiance et mettre l’accent sur le fait que l’enfant est rendu assez grand pour réaliser que c’est une belle histoire qui nous permet de fêter ensemble, de se donner, et que le « vrai Père Noël » existe dans notre cœur d’enfant.
On peut également dire que cette histoire permet de vivre de beaux moments, nous rappelle de tendres souvenirs, et c’est ce qui fait que les adultes continuent de parler du Père Noël pour se permettre de les revivre. L’enfant sera certes déçu, mais à la hauteur de ce qu’il sera capable de vivre.
Il se peut aussi que la réaction de l’enfant soit forte (colère ou larmes). Alors, le parent ne peut que l’accompagner dans ce qu’il vit, un peu comme un processus de deuil. On met alors l’accent sur le fait que le Père Noël continue d’exister dans notre tête et notre cœur, par les souvenirs vécus qui sont inscrits en nous pour toujours. Puis, on invite l’enfant à faire ce que la plupart des autres enfants de son âge, tout comme les adultes, font avec cette féerie de Noël : la perpétuer auprès des plus petits que soi !
Et la fratrie dans tout ça...
S’il y a d’autres enfants dans la famille, comment gérer les commentaires des plus vieux avec les plus jeunes qui croient encore au Père Noël ? Souvent, les plus vieux se sentent bien grands par le simple fait de savoir et ils cèdent naturellement aux plus jeunes cette magie ; ils l’entretiennent devant eux et pour eux.
Par contre, d’autres voudront partager la nouvelle avec les plus jeunes. À ce moment, on peut les prendre à part et leur expliquer comment il est plaisant de croire à cette magie, les encourager à aider les plus jeunes à continuer d’y croire et ne pas leur nuire en voulant les désillusionner trop tôt. On peut également leur rappeler comment c’était important pour eux de continuer à y croire jusqu’à ce qu’ils soient assez grands.
Expliquez aux plus vieux l’importance et le plaisir pour les plus petits d’y croire, que ceux-ci y ont droit tant qu’ils en auront besoin. Cela permettra aux plus vieux de connaitre les raisons qui motivaient leurs parents à faire la même chose avec eux.
Nathalie Parent Psychologue
Nathalie Parent est psychologue et auteure entre autre du livre La famille et les parents d’aujourd’hui - La communication entre parents et enfants, chargée de cours à l’Université Laval depuis 2001, psycho-thérapeute en pratique privée auprès des enfants, adolescents, adultes, couples et familles, elle a aussi agi à titre d’éducatrice et a enseigné la communication au programme de technique d’éducation à l’enfance. Elle donne également des conférences et formations.
Article extrait du site : http://www.educatout.com/